

AVARICE(S)
NOTE D'INTENTION
Une pièce comme inspiration : L’Avare de Molière. Un acte comme point de départ et d’arrivée : la toute première scène de cette comédie. La nouvelle création de la Cie JKL, AVARICE(S), chorégraphiée par Joakim Lorca et Stella Moretti, se propose de décliner à l’infini cette toute première scène sous la forme d’un duo explosif maniant à la fois texte bien sûr,mais aussi mouvement, danse, chant et jonglage ! Un duo en dialogue constant, explorant la thématique de la relation amoureuse, mais pas que !
Travailler à partir d’une unique scène d’ouverture, en extirper la substantifique moelle, permettra la mise en jeu de multiples déclinaisons, que ce soit sur le rythme du texte, des dialogues, la musicalité des langues employées, à savoir le français et l’italien, ou bien encore sur l’écriture chorégraphique et ses propres gestuelles. Cette répétition d’un momentum d’exposition des deux personnages, interprétés au plateau par Joakim Lorca et Stella Moretti, vise à retranscrire le principe d’accumulation propre à l’avarice : accumulation de biens, d’argent, de possessions, d’accessoire, bref, de toutes ces choses qui ne peuvent combler un “vide” infini. Cette vaine accumulation se traduira sur le plan scénographique et dramaturgique par l'amoncellement d’une montagne d’or, par une superposition et répétition d’instants dramaturgiques et de phrases chorégraphiques. L’espace scénique se veut ainsi délibérément espace restreint, afin d'exacerber cette sensation d'envahissement par l'accumulation. Au niveau scénographique, l'omniprésence d'éléments sphériques (balles de jonglage, objets ronds, etc.) formalisera et rappellera non seulement la peine dantesque, notamment ses rochers, mais aussi la constitution d’une idole dorée, visuel impressionnant pour le spectateur.
L’écriture de cette nouvelle pièce se fait en direct et au plateau, dans un va-et-vient incessant entre les deux artistes interprètes et auteurs, et aboutira à une partition très précise, très écrite, à l’instar des compositions musicales de Lully répondant à l’époque à la rythmicité ultra-efficace des répliques de Molière. Ce travail de composition et de recherche plonge en effet ses racines dans les sources d’inspirations de L’Avare : l’association entre Jean-Baptiste Lully et Molière, et entre deux langues différentes, l’italien de Dante et le français de Molière. Les bagages artistiques des deux interprètes sont quant à eux bien distincts mais complémentaires : un parcours de danse classique pour l’une, de danse contemporaine pour l’un, les langues maternelles, italien ou français, l’alliance d’un travail performatif à partir du texte et de la maîtrise technique du jonglage. L’écriture chorégraphique proprement dite, bien que s’inspirant d’une identité très contemporaine propre à Joakim Lorca, s’inspirera et mélangera un vocabulaire classique au vocabulaire baroque, vocabulaires auxquels Stella Moretti est très sensible. Les compositions gestuelles qui en découleront seront rehaussées par le jonglage.
En réponse à l’obsession originelle d’Harpagon, AVARICE(S) proposera ses propres cycles perpétuels, ses propres girations chorégraphiques, ses propres ellipses dramaturgiques, sous la forme d’une déambulation détonante à la trajectoire bien définie. Alternativement, la comédie, le texte, le jonglage et/ou la danse viendront enrichir le regard du spectateur, et seront introduites telles les fioritures de la musique baroque. En résumé, cette nouvelle création constituera en quelque sorte un exercice de style autour de plusieurs déclinaisons d’une seule scène de théâtre, celle écrite par Molière, en proposant plusieurs rythmes, plusieurs modes de jeux centrés sur l’accumulation, plusieurs vitesses d’exécution et de déplacements scéniques, ou pour le dire plus simplement, plusieurs manières de chorégraphier le verbe. Proposition explosive à la narration en boucle, dans la continuité d’une exploration d’un théâtre extrêmement visuel et rythmé, AVARICE(S) réinterprètera le péché éponyme pour le célébrer dans un même mouvement l’absurdité et la joie d’être en vie. Tout semblera malgré tout se diriger dans une seule et même direction, à savoir une grande accumulation, un grand amoncellement de matières à laquelle aucun des deux personnages ne pourra échapper. Avec pour point d’orgue inhabituel la fin d’une scène qui se transforme en début d’une autre. Ainsi la boucle n’est jamais bouclée, et tout recommence…
